Indépendant est un nom bien trompeur.
Il a l’air de signifier « seul, sans attache, sans influence, libre ». Un indépendant pourrait tout créer de lui-même. Il tient seul les rennes de sa carrière. Une définition très romantique mais bien solitaire.
Sans doute, y-a-t ’il des indépendants méritant de s’appeler ainsi. Pas moi. Je ne peux pas du tout me targuer de porter ce nom honnêtement. En réalité, je ne suis quasiment jamais seule. L’escape game se construit aussi collectivement qu’une maison.
En fait, je pense pouvoir m’attribuer une quinzaine de pourcents du travail. Ma famille, mes amis, et parfois des connaissances ont accompli les 85 autres pourcents. Je me sentirai très injuste voire menteuse de me présenter comme indépendante. Tellement de gens m’apportent leur aide, que je la demande, ou non !
Mon papa construit tout de ses mains : les cloisons, les passages secrets, les systèmes d’ouverture. Peu importe ma demande étrange, il invente une technique pour y répondre.
Ma maman aide énormément à l’élaboration du décor et à la cohérence de l’histoire. Elle a toujours une remarque, un détail qu’elle me propose de modifier. Elle est là, sans s’imposer.
Robin, un ami de toujours, constamment présent. Il aide quoiqu’il arrive, dans tous les domaines qu’on lui demande ou pas. Cohérence de l’histoire, screamers, ambiances, énigmes, matériel, même argent... Etc…
Joshua, ami depuis 10 ans, si doué en visuel, maitrise heureusement les réseaux sociaux (ce qui n’est pas mon cas). Sans lui, un grand nombre de joueurs n’auraient jamais participé aux histoires.
Aitana, jeune voisine d’à peine 10 ans, range la caravane dévastée après le passage d’un groupe plus vite que moi. Participante silencieuse, elle se contente de tourner autour des joueurs en monocycle. Étrangement, peu d’entre eux devinent qu’elle me rapporte tous leurs faits et gestes, aussi fidèlement qu’une caméra.
Et puis, il y a tous les acteurs. Tous créent leurs propres personnages en fonction de leur personnalité et de leur vécu. Chaque nouvel acteur, qu’il soit victime, allié, ou bourreau apporte sa touche originale et exceptionnelle ! Annelise, tout en charme et menace. Ombline, tout en force et en cri. Papa, hagard et vaguement dangereux. Baptiste, étrange et mystérieux.
Et encore, tous les acteurs aux rôles d’une minute, participants improvisés. Ils aiment crier à côté d’une maison, taper sur une mince paroi, intercepter une voiture. Mention spécial au facteur de Vedrin, spécialiste en improvisation de blague.
Et enfin, les meilleurs en derniers. Et si je parlais des joueurs ? Toujours inventifs, toujours surprenants. Ils sortent de leur esprit des idées impossibles à imaginer avant leurs arrivées. Ils créent parfois d’eux-mêmes des nouvelles énigmes, outils, une manière toute neuve d’interagir avec nous ou avec la salle. Évidemment, je l’intègre à l’escape. Pendant les débriefings, les participants donnent tant de nouvelles idées qu’après le passage d’une cinquantaine de groupes, je ne suis plus la scénariste de l’histoire.
A bien y repenser, je ne pense plus pouvoir me vanter d’avoir créé 15% de l’escape. En tout cas, je ne suis pas indépendante.
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