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Photo du rédacteurLe Huis Clos

Les peureux sont des inventeurs de génies.

Dernière mise à jour : 6 févr. 2020


Je suis tapie derrière une porte. J'attends mon heure. Soudain, j'ouvre le battant, les joueurs m'aperçoivent à peine. L'un d'eux part en courant. Deux autres, serrés ensemble, menacent le vide d'une arme improvisée et tremblante. Moi, j'ai déjà disparu. Je suis retournée dans ma cachette. Cela commence à faire longtemps que je suis un monstre, il doit y avoir plus de 1000 personnes que j'ai poursuivi dans mon antre. De plus en plus souvent, j'arrive à faire peur aux gens au point que j'ai devant moi l'incarnation vivante du cri. Les joueurs ressemblent à des acteurs de films d'horreur au moment du gros plan.


Quel déguisement horrible peut leur faire peur à ce point? À quel point ma silhouette est-elle repoussante? À quel point mon regard est-il fou ? En vrai, je ne porte rien de spécial, j'ai une chemise blanche, des lunettes et un chapeau en coton. Ils ne sont ni spéciaux, ni taché de sang. Ils sont extrêmement banals au fait. Pour ma silhouette, j'ai plutôt l'air sympathique. Je suis la personne à qui les mendiants demandent de l'argent dans la rue, les associations des signatures et les étrangers leur chemin. Quant à mon regard, je rigole de bon cœur derrière les lunettes. Je ne pense qu'à l'amusement des personnes devant moi. Et pourtant, elles crient comme si je venais de sortir des enfers. Alors si c'est si ce n'est ni mon déguisement, ni mon physique, ni mon jeu d'acteur, qu'est-ce qui effraie les joueurs ?


Et bien, c'est leur propre imagination. Souvent, j'entends les joueurs expliquer qu'ils ont vu un monstre taché de sang avec un grand couteau qui fonçait sur eux. Ils sont sincères. Et c'est pour ça qu'ils sont partis en courant. Le monstre existe uniquement dans leurs têtes. À chaque fois que je pose mon pied lourdement, à chaque fois que je bouge un objet, ils m'entendent mais ne me voient pas. Alors, ils s'imaginent. Pendant 15 minutes je les aide à créer le monstre. Ils reconnaissent des couteaux, des pas lourds et lents. Dans leur imagination, la créature prend vie. Ils en sont certains derrière cette porte, elle est là. Comme le monstre est là sous votre lit, comme l'inconnu marche derrière vous en pleine nuit. Seulement si vous vous retournez, il n'y a personne. Vos peurs n'existent que dans votre tête.




Et parce qu'elle vous est personnelle, la créature est encore plus horrible. Elle représente exactement ce que vous redoutez, plus laide que ce que nous vous ne verrez jamais. Pendant une heure, je recrée ce monstre dans ma cachette. Et quand je sors de la porte, je ne suis plus une namuroise de 25 ans avec des kilos en trop et des cheveux châtains qui rigole. Je suis le monstre de vos cauchemars. Photo by Melanie Wasser on Unsplash Photo by Ioana Cristiana on Unsplash Photo by Florian Gagnepain on Unsplash

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