Ce matin, le premier groupe passe, un couple très enjoué. Le mari s’amuse énormément à faire peur à sa femme. J’ai un allié… Ensemble, nous la faisons crier et rire dans la bonne humeur. Pendant ce temps, elle tente de se concentrer sur les énigmes avec une étonnante efficacité. Après une dernière course endiablée jusqu’à la porte de sortie. Je les réinvite à l’intérieur pour le débriefe. La femme est toute contente de se rapprocher du meilleur temps. Essentiellement grâce à elle, son mari s’étant contenté de se cacher dans des coins sombres et d’éteindre les lampes pour la voir sursauter. Après au moins 20 minutes de débriefing, la femme traite une dernière fois son mari de sale gamin et nous nous disons au revoir.
Je commence à ranger quand je me rends compte qu’un cadenas manque. Je ne m’inquiète pas, il finira par réapparaitre. Mais non, je le cherche encore et encore. Rien. Je cours littéralement chez moi pour en trouver un autre. Je reviens à peine 20 minutes avant le début de la prochaine séance.
Le prochain groupe est déjà là. Je commence mon petit sketch habituel. Aujourd’hui, je puise dans mon stress du cadenas perdu pour nourrir mon jeu de personnage borderline. C’est plutôt bien réussi. Pourtant, je n’arrive pas à faire participer les deux joueurs. Ils ne me regardent pas comme des spectateurs au théâtre. Ils ne jouent pas à l’acteur non plus. Ils ne se disent pas l’un à l’autre que c’est comme dans les films. Ils sont assis gentiment, assez gênés.
Je me dis que j’arriverais à les emmener dans l’histoire. Je teste des jeux d’acteurs. Plus hard ? Non Alors plus doux ? Non plus.
Ils sont étrangement rassurés quand je leur demande de laisser leur GSM. C’est bizarre, d’habitude cela stresse les gens. Peut-être parce que, dans tout l’accueil, la consigne est le seul moment conventionnel.
Après un sketch plus long qu’à la normal, je disparais, l’escape commence. Les joueurs ne bougent pas tout de suite, je leur laisse le temps. Enfin, ils se lèvent.
Je leur passe le talkie-walkie de manière assez évidente, pour les faire rentrer dans la danse. Le personnage du talkie leur demande qui ils sont. Ils lui répondent : Des étrangers venus jouer à un jeu. Cette réponse me choque. C’est la vérité dans le vrai monde. Mais ici, vous venez pour vivre une histoire, une aventure. On me répond habituellement. « On est des amis d’Alex » « On est des invités, Alex nous a enfermé. Tu la connais ? »
Les deux joueurs avancent quand même assez bien par la suite, sursautent un peu. Mais j’ai l’impression que quelque chose ne prend pas. Au fait, c’est l’histoire. Pour la première fois depuis un an, les joueurs s’ennuient. Cela me rappelle des souvenirs oubliés de quand je donnais cours. Parfois, un enfant n’a pas envie de participer et il faut le tirer. Il répond « Je sais pas » aux questions. Les deux joueurs sont désemparés et moi aussi.
Je me souviens alors de ces acteurs de Molière qui emmènent des classes d’adolescents dissipés dans leurs histoires et de cette femme qui a la seule force de son sourire a réussi à faire faire de l’aérobic à toute une place au Wallonie. Alors, je continue.
Arrive le moment de la découverte d’une nouvelle pièce, un peu plus effrayante. Même remarque que d’habitude « J’ai peur, c’est glauque… » Mais pas sur le ton de l’excitation, sans la petite lueur dans les yeux, sans la curiosité de voir ce qu’il y a après. Sans ce parallèle si souvent entendu : « N’Y ALLEZ PAS ! Dans un film d’horreur, c’est le moment où le monstre attaque ! »
Non, juste, « C’est glauque. » sur un ton vaguement gêné.
Je lance un petit screamer, pour leur faire ressentir quelque chose. Ils fuient la pièce.
J’entends dans le talkie. « On arrête. » Bam, un couperet violent.
Je remonte. Cachant une énorme boule au ventre avec un sourire désolé. Je leur demande pourquoi ils n’ont pas aimé. Qu’est-ce qu’il faut que je change pour que cela n’arrive plus jamais ?
Sympathiquement, ils m‘expliquent. Le décor est trop réel. Ils auraient préférés une pièce d’accueil classique et une autre pièce pour y faire l’escape. L’originalité du démarrage ne leur a pas plu, ils voudraient être plus guidés, plus cadrés dans leur jeu. Ils n’aiment pas le théâtre en général.
Ils auraient simplement aimé une pièce avec des casse-tête.
Avant de partir, ils me disent « Cela ne peut pas plaire à tout le monde » et c’est vrai.
Pour la première fois sur 77, la séance n'a pas plût.
Je rentre chez moi, j’écris cet article sur le blog comme sur un journal intime. Je ne me sens pas bien.
Vous savez, Le huis clos ne propose pas qu’un jeu de société. C’est une aventure, une presque vraie. Elle est bizarre, originale, déconcertante et imprévisible. Très peu de choses y sont conventionnelles. Mais ne vous inquiétez pas, notre taux de satisfaction n’est finalement descendu de 100 % qu’à 99,46%.
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