- Les experts
Je vous reconnais tout de suite. Vous me mettez la pression dès le coup de fil de réservation. « Quel est le pourcentage de fouille ? Le taux de réussite ? Est-ce un escape game nouvelle génération ? »
Tout d’un coup, mon cerveau réactive une capacité oubliée depuis longtemps, celle qui m’a été si utile à l’école. Me voilà comme à un examen oral, quand le prof pose une question avec des mots que je ne comprends pas. Alors, je brode… Heureusement, j’étais bonne à l’oral.
Mais mauvaise en gestion du stress. Les experts, je me mets une pression monstre dès le matin de votre réservation. J’ai rajouté des énigmes, parfois même des quêtes annexes, vous risquez fort d’être des génies. Une fois l’escape démarré, je n’ai plus rien à faire. Vous n’avez presque pas besoin d’indices.
Vous êtes d’effrayants guerriers des puzzles.
- Les attachants
Je suis dans une journée maussade, j’ai la migraine. Il fait gris. Au travers le monde, des milliers de personnes hésitent à se pendre. En plus, je suis en retard. C’est ma faute, je n’ai pas eu le courage de sortir de mon lit, dernier refuge moelleux dans ce monde cruel. Pressée, je passe vérifier si tout le matériel de la personnalisation est prêt. J’ouvre le sac, ou le mail communiqué par un joueur.
Je fonds. Ce mail est rempli d’amour, d’humour et d’attention. Je ne suis plus en retard, j’ai le temps de fouiller. J’ai le temps de faire « Awwwe » devant ces petits chaussons pour annoncer une naissance. De chuchoter « C’est mamé » devant cette rétrospective d’une relation amoureuse. De rire devant le vol des sous-vêtements de son meilleur ami.
D’un coup, le soleil brille. Les moineaux nourrissent leurs petits. Les passants sourient dans la rue et trient leurs déchets.
A toutes les personnes qui personnalisent, vous êtes juste merveilleux. (Poutou, poutou)
- Les alliés
Les joueurs sont en pleine concentration. Ils sont sur le point de résoudre l’énigme. Je les regarde sans bouger. Je ne vais pas les effrayer au risque de leur faire perdre le fil. Et puis, un cri de femme tranche le silence. Elle vient de subir un screamer. Ce n’est pas moi. Qui est le coupable ?
Sans doute, son mari plié en deux à l’autre bout de la pièce, tout fier de lui avoir attrapé les chevilles. J’ai un allié. A partir de maintenant, nous sommes deux à animer cet escape : lui et moi.
Et souvent, les alliés ont des idées géniales : Fredonner une chanson d’horreur, disparaitre pendant 3 minutes en laissant sa femme dans le noir, surgir d’un coup derrière son meilleur ami… L’allié, il n’est pas là pour avoir peur. Il est là pour faire peur puis partir en courant.
A tous mes alliés d’une heure, vous êtes des sales gamins (avec beaucoup d’humour)
- Les badass
Vous peur ! Jamais. Vous traversez seul des pièces sombres et inquiétantes pour le commun des mortels comme si vous étiez dans le salon de votre maman. Quand je fonce sur vous avec une batte de baseball, vous restez ancrés dans le sol. Droit dans les yeux, calmement, alors que tous vos amis crient, vous me dites : Non.
Je repars, dépitée. J’ai trouvé mon maitre.
A vous, homme et femme invincible, au sang-froid d’un serpent, à l’aura d’un gladiateur, inscrivez-vous dans l’armée ou la police. Ils ont besoin de vous pour rentrer dans la banque et en tirer le braqueur penaud par les oreilles.
- Les concentrés
L’escape game a commencé sur les chapeaux de roue. Le groupe a déjà 5 minutes d’avance alors qu’il ne joue que depuis 10 minutes. Il faut que je les ralentisse. Ils sont concentrés sur l’énigme. Voilà le moment parfait pour le premier screamer. Je le lance, tonitruante. La réaction ne se fait pas attendre. Le groupe est parti en courant à l’autre bout de la pièce. Tout le monde ? Non.
Une personne est toujours aussi absorbée par l’énigme. Elle n’a pas bougé, pas tressailli, pas émis le moindre bruit. Au fait, rien ne peut détourner son attention de l’énigme. Me voilà devant un concentré. Dans une minute, il trouvera la solution et ouvrira la porte. J’arrête de donner des indices et part remettre en place le reste de l’escape game. Je vais augmenter le niveau de difficulté.
A vous, veuillez prévenir pendant la réservation que rien ne peut vous détourner de votre mission. Que l’escape pourrait brûler, vous ne ralentirez pas votre vitesse de progression. Comme ça, je rajoute des niveaux bonus pour votre séance.
- Les héros
J’observe le groupe en train de jouer, tapis dans l’ombre, j’attends le moment de sortir de ma cachette. Le groupe est au bon endroit, captivé par un coffre. Attends, il y en a un qui est différant. Il se moque des énigmes. Une batte, une pelle ou un crucifix dans la main droite, son bras gauche s’érigeant en rempart entre ses amis et l’obscurité, il scrute tous les angles morts. L’escape devient une bataille entre lui et moi. Si je sors maintenant, il alertera les autres et les protégera de son corps. Je ne peux plus faire de bruit, nous nous épions l’un l’autre. J’attends que sa ronde de surveillance place ma cachette dans son angle mort pour surgir. Mais en attaque éclairs, pour éviter tout risque de me faire pourchasser, moi, la psychopathe, le fantôme par un protecteur armé.
Grand héros, sachez-le, dans un slacher movie, c’est vous qui tuez le méchant à la fin.
- Les comiques
Derrière la porte, je vous entends débattre pour savoir si vraiment, c’est bien l’adresse envoyée par SMS et ensuite, si vous osez rentrer dans un endroit aussi louche. Je vide mon esprit de tout le savoir-vivre que ma mère m’a enseigné pour rentrer dans le personnage. Il faut pouvoir faire ou dire l’inimaginable à des inconnus sans même un sourire d’excuse à la bouche. J’ouvre la porte, persuadée par mon rôle. Les petites phrases s’enchainent, il ne faut pas oublier certains sujets de conversation.
Et d’un coup, j’ai envie de rire. Ce n’est pas uniquement ma faute. Je suis tombé sur un groupe de comique. Quoique je fasse de terrible, ils ridiculiseront la situation, éclateront de rire. Vous craquelez le vernis de mon personnage. Je dois tourner la tête, revider mon esprit en pleine introduction.
Une fois l’introduction passée, l’escape game se passe souvent comme un charme car vous en débordez. Heureusement, comme dit le proverbe, qui rit bien, crie bien ! Il faut juste que je fasse attention de ne pas pouffez à vos blagues dans le talkie-walkie.
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